Construction d’un Fort à Bron

Après la défaite de 1870, la France doit reconsidérer son système de défense. Elle doit tenir compte des nouvelles frontières de l’Est et des progrès de l’artillerie. En 1874, le général Séré de Rivières devient directeur du Service du Génie au ministère de la Guerre. Il est chargé de la construction d’une défense allant de Dunkerque à Nice. Ce nouveau système de défense va porter son nom.

C’est dans ce contexte qu’est construit le fort de Bron, un des ouvrages de la couronne de forts détachés qui assurent les défenses de la ville de Lyon.

Jean Claret (1836-1907)

Jean Claret est l’entrepreneur de travaux publics qui est chargé de la construction.

Le chantier fonctionne de début 1875 à la fin 1877 date à laquelle le Fort est pratiquement terminé, sauf quelques aménagements qui seront réalisés dans les années suivantes, pour un coût total de 3 014 578 francs. (A noter que lors de la construction furent découvert des vestiges archéologiques préhistoriques)

Parmi les modifications, le Général Séré de Rivières, lors de sa visite en 1875 en compagnie du général Directeur Supérieur du Génie prescrit d’organiser une galerie de contrescarpe au saillant de l’ouvrage.

Les lourds tombereaux tirés par des chevaux transportent les matériaux au Fort. Les Maires des communes proches se plaignent de l’usure de la chaussée et de l’urgence de recharger la route N° 11 passant par Saint Priest (Rapport du conseil Général de l’Isère aout 1876)

Le 10 septembre 1876, lors d’un voyage officiel à Lyon, le maréchal-président de Mac Mahon visite le chantier, reçu par le colonel de Génie Galinard et le directeur des travaux, le capitaine Tétard. (Voir article Bron Magazine n° 293)

308 ouvriers (de nombreux terrassiers, des maçons, 6 charpentiers, 1 surveillant) sont « occupés au Fort » terme du recensement du 31 décembre 1876. A cette date, le recensement de la commune de Bron compte 2158 personnes majoritairement des cultivateurs et leur famille. (source archives départementales du Rhône)

Des casemates et des plates-formes de tir sont prévues pour accueillir  64 « bouches à feu » de différents calibres dont 23 pièces sur les plateformes de canons (Voir doc. du 15 octobre 1877).  Le fort est flanqué des batteries de Lessivas et de Parilly.

L’’effectif du fort est prévu en période de guerre pour 841 personnes (1 Commandant, 17 Officiers, 39 Sous-officiers et 784 Hommes de troupe).

Le Fort de Bron passe en seconde ligne

source : Brochure « Regards sur l’Histoire de Bron » 1984.

Des détachements militaires occupent régulièrement le Fort, le nouveau canon de 155 mm est mis en place. (Voir la retranscription d’une lettre d’un soldat décrivant à son frère sa vie au Fort de Bron et la mise en place d’un canon sur le cavalier).

 Mais, devant les progrès de l’artillerie, le 15 octobre 1886, la direction du Génie décide de vérifier les dégâts infligés par les nouveaux obus à base de mélinite , un nouvel explosif, sur le fort de Malmaison dans l’Aisne. Les dégâts sont considérables, ce type de fortifications est donc devenu obsolète.

Le Fort de Bron ne peut plus jouer son rôle. Pour le canon « 155 », les obus en acier remplaçant la fonte permettent d’augmenter la portée de 8km à 12 km, ils sont remplis de 11 kg de mélinite au lieu de 2kg de poudre. 

 Les distances atteintes par l’artillerie et la puissance des obus entrainent  dès 1887, la décision d’ériger des forts plus loin de Lyon. Ainsi des Forts plus modernes sont construits sur les hauteurs de Saint-Priest, de Meyzieu et de Genas. Le Fort de Bron, partiellement désarmé, est alors affecté en seconde ligne (Extrait : la révision du 23 mai 1889 des états de l’armement de la Place de Lyon).

Le Fort conserve cependant son intérêt grâce à ses grandes capacités de stockage et de casernement. Une cinquantaine d’hommes assurent la garde et l’entretien des lieux.

Les années suivantes, de 1881 à 1911, quelques compagnies de soldats s’y installent quelques mois, en manœuvre sur le terrain.

Dans les archives du Génie de la Place Lyon, on retrouve la trace du casernement prévu en 1890 d’une compagnie du 28ème bataillon de chasseurs à Pied ou d’Infanterie.

Une grande quantité d’explosif est stockée : en 1893, 340 Tonnes de mélinite est emmagasiné (document archives du Génie du 13 février 1893).

En 1900 le pont est modernisé par l’utilisation du béton armé (voir photo : à remarquer les tuiles de couverture disparues de nos jours)

Travaux en 1900 - le pont en béton armé (Source : bulletin "Le béton armé" numéro 35 avril 1901)
Travaux en 1900 – le pont en béton armé (Source : bulletin « Le béton armé » numéro 35 avril 1901)

Autres traces de passage retrouvées : 1903 , le 96ème régiment d’infanterie (*article du journal La Lanterne » ), 1908, la 12ème compagnie du 17ème de ligne (voir ci-dessous)

La 12ème compagnie du 17ème de ligne en 1908
Carte postale du 17ème de ligne hébergé au Fort de Bron en 1908

—> Autres cartes postales

Néanmoins, intégré dans le système de défense de la Place de Lyon, le fort abrite le quartier général du 3e secteur de la zone Est du Rhône. Les postes de commandement installés à Genas, Corbas, et Vénissieux, sont reliés au Fort de Bron par  téléphone ou télégraphe.

Le Fort de Bron et la Première Guerre mondiale

Dès 1912, le Fort reçoit des détachements d’aérostiers en provenance de Versailles, Privas et Epinal. Suite à la création des groupes d’aéronautique le 28 août 1912, un centre d’aviation militaire s’est installé à proximité du Fort profitant du glacis et des locaux du Fort. Celui-ci abrite les élèves mécaniciens et pilotes des écoles d’aviation.

Mécaniciens du 3ème groupe d’aviation en octobre 1912 lors de leur formation initiale (A l’arrière plan, le fort) – (© Albin Denis – biographie du sergent Nicolas Bouisson). .

Le fort reste un lieu de stockage des munitions (en 1914, 125 Tonnes de poudre et 150 tonnes de mélinite).

Le 1er aout 1914, la mobilisation générale est décrétée (Voir la mobilisation à Bron. Extrait « Regards sur l’Histoire de Bron« ).

Le fort de Bron va accueillir en août 1914 l’État-major du 3ème secteur nord du camp retranché. Il est relié par télégraphe et téléphone (les câbles d’arrivée sont encore visibles sur les murs à l’entrée) au standard militaire du « Central du Commandement » de Lyon et aux forts de Feyzin, Corbas St-Priest, Meyzieu et Genas.(Voir l’organigramme du réseau du casernement et du commandement des liaisons téléphoniques et télégraphiques en 1914)

Le jeudi 6 août 1914, Bron accueille six batteries du 53ème d’Artillerie avec 24 officiers et 686 hommes. Ils seront logés en partie au fort de Bron (une autre partie chez l’habitant). Le lendemain, 22 voitures avec harnais sont mises à disposition du 53ème d’Artillerie.

Le 5 octobre 1914, Les 6 batteries du groupe du 53ème d’artillerie quittent Bron pour être dirigées vers le front (Voir Doc. remerciements de la population). La commune recevra les mois suivants plusieurs autres batteries d’artillerie (le 11 Octobre les batteries du 38ème et 9ème Régiment, le 15 novembre un groupe d’artillerie de campagne évacué de l’armée du Nord, …)

1914
Les bleus en sept 1914 mobilisés au Fort de Bron. Les hommes portent la capote de sapeur du génie modèle 1873 avec sur le bras droit l’insigne des personnels de l aéronautique militaire. Durant cette période marquée par développement de l’aviation militaire, le Fort de Bron sert de casernement, au personnel du génie responsable de l’entretien des aérodromes et des aéroplanes.  

En 5 septembre 1914, une partie des effectifs du 2e groupe d’aviation, replié de Reims, loge au Fort, les officiers cantonnés chez l’habitant.

Cependant le Fort est progressivement désarmé, les pièces sont envoyées sur le front.

M. Dauphin François a été incorporé le 4 mai 1917 à Saint Étienne. Après un passage à l’école d’Aviation de Chartres, il rejoindra le 2ème groupe d’Aviation à Bron.

Après la fin de la guerre, le Fort reste propriété de l’Armée mais perdant son intérêt militaire, il se vide. Néanmoins, le 35ème régiment d’aviation y stocke encore du matériel et en assure la surveillance.

Informations du journal « LA PRESSE » 28 juin 1923

Les zones de servitude militaire, zone où les constructions sont réglementées ou interdites sont supprimées en 1927 et 1931.

Cependant le Fort est entièrement électrifié en 1934.

Le Fort pendant la seconde guerre mondiale

Au début de la seconde guerre mondiale, de 1939 à 1940, les services du poste de commandement et la base du 45ème régiment d’Artillerie (DCA) destiné à la protection du terrain d’aviation et des usines Berliet sont installés. les batteries anti-aériennes implantées sur les hauteurs de Décines, Vaulx-en-Velin, Saint-Priest, Vénissieux et Parilly sont reliées par téléphone à l’État Major implanté dans le Fort. La cour de la caserne du parados va être « baptisée » « la rue sans joie ».

D’après le témoignage de M. François Le Marre qui a effectué son service militaire au Fort entre le 7 janvier 1941 et le 27 novembre 1942 un détachement de 35 personnes avec un capitaine, un lieutenant et un maréchal des logis occupait des logements dans la cour du parados. M. Le Marre faisait partie d’une équipe de 4 personnes qui avait la charge d’assurer le ravitaillement en vivres, à dos de mulets, des quatre batteries de DCA implantées sur le secteur. (Voir transcription du témoignage)

Le 11 novembre 1942, les Allemands envahissent la zone dite « libre ». Le 27 novembre 1942, les forces d’occupation allemande s’emparent de la base aérienne et occupent le Fort. Elles installent des magasins et des ateliers de réparations et comblent le fossé côté Est pour réaliser une liaison  directe avec le terrain d’aviation tout proche.

Acronyme allemand L.S.R couloir des chambrées (LuftSchutzRaum : abri anti-aérien)

Le 30 avril 1944, des avions de la 8ème Air Force partis d’Angleterre bombardent le terrain d’aviation proche du Fort, 555 bombes sont larguées. La base aérienne est en partie détruite 2 bombes touchent le Fort, Le cratère est toujours visible dans la partie nord du Fort.

Bombardement de la 8ème Air Force du terrain d’aviation 30 avril 1944

Le 2 septembre 1944, le Fort redevient français. Au mois de novembre, les équipages des bombardiers alliés  de la 31e et 34e escadre de la II e brigade de bombardement s’installent au fort. Pendant un temps, des officiers allemands sont également maintenus prisonniers dans les locaux du Fort. L’année 1945, abrite des troupes en voie de démobilisation.

Le Fort de Bron vers une nouvelle vie

Après la guerre, le Fort perd son utilité, un poste de garde est assuré par les aviateurs de la BA35. Le fort finit par être déclassé le 8 juin 1963.

En 1975 La COURLY se porte acquéreur du Fort dans le but de construire des réservoirs d’eau pour alimenter l’est lyonnais.Le 23 septembre 1976, lors de la Commission Extra-Municipale d’Urbanisme (CEMU), la COURLY propose de transformer les fossés en décharge publique pour les gravats. Le projet finalement avorte. L’armée conserve toujours 6 hectares de bois incluant une partie des fossés. Plusieurs tentatives de négociation avec l’armée échouent. Finalement, en 1979, un accord est signé entre le maire de Bron André Sousi et le Premier ministre Raymond Barre, proposant l’achat du terrain litigieux (9 878 m2) par la commune.

Novembre 1981 un bail emphytéotique est signé entre la Courly et la Mairie.

L’association du Fort de Bron  naît le 29 avril 1982. L’inauguration du parcours de santé autour du fort, au mois d’octobre 1983 est l’un des actes fondateurs.

Au cours de l’été 1985, dans des fossés nettoyés se déroulent les premiers spectacles.

La biennale de théâtre se renouvelle régulièrement jusqu’en 2013.

Le Fort de Bron sert également de décor à des tournages cinématographiques.

Son histoire continue avec l’organisation par les bénévoles de l’association de visites guidées et de « l’Exposition artisanale d’automne » qui rassemble une centaine d’artisans amateurs et professionnels.

L’association organise ponctuellement également des animations mêlant la découverte du Fort et des « déambulations musicales »