Le Fort de Bron était organisé pour recevoir des pièces d’artillerie à longue portée. Les canons produisant une grande quantité de fumée étaient placés à l’air libre sur des plateformes de tir. Le relief était d’autant plus primordial que l’artilleur à cette époque tirait à vue, il devait voir les points de chutes des projectiles de la pièce d’artillerie d’où le tir était issu.

Un emplacement stratégique

La situation de la colline de Bron (221 mètres d’altitude) était stratégiquement propice à la construction d’un fort dominant la plaine alentour. Le Fort de Bron installé sur cette hauteur avait pour mission d’arrêter un ennemi venant de la plaine de l’Est Lyonnais afin d’interdire l’approche de la place de Lyon. Il devait également empêcher une implantation de l’assaillant sur les hauteurs de Chassieu et de Saint-Priest.

Extrait de Carte d'Etat Major de la Région lyonnaise 1866
Extrait de Carte d’Etat Major de la Région lyonnaise 1866 [1] Source : Géoportail

Les plateformes de tir

 Quinze plateformes de tir étaient disposées sur les terre-pleins du cavalier, l’élévation de terre située en partie au-dessus du casernement. Le cavalier est nommé ainsi en raison de sa disposition haute dans le Fort. La crête du cavalier était construite perpendiculairement aux directions à battre. Face à l’envahisseur potentiel, le cavalier était protégé des obus de l’ennemi par une butte de terre d’une douzaine de mètres de large : le parapet d’artillerie.

Les plateformes de tir étaient prévues pour recevoir des pièces d’artillerie. Formées d’un plateau de bois, ces plateformes assuraient la stabilité des canons (en 1877 : canons de 138 de Reffye, en  1880 : canons de 120 et 155 de Bange). La longueur de la crête du cavalier était donc fonction du nombre de canons à installer.

Canon de 120 long sur sa plateforme de tir – (Carte postale – Imprimerie militaire Guerin )

Sept plateformes de tir étaient aussi disposées au niveau des crêtes basses du Fort

Les premières pièces d’artillerie employées ( 138, 155 L } étant dépourvues de freins hydrauliques, les terre-pleins avaient 9,50 m de longueur pour permettre le recul. Ils étaient raccordés en arrière au terre-plein intérieur, soit par un talus ( Voir coupe A et cliché A) , disposition qui facilitait l’ armement, soit par un mur en maçonnerie ( Voir coupe B et cliché B).

Coupe A au niveau du terre-plein d’artillerie – [2] d’après « la fortification depuis 1870 jusqu’en 1885″ du Capitaine de Génie Hébert
Accès à la plateforme de tir au niveau du cavalier du Fort de Bron
  Cliché A – Accès à la  plateforme de tir par un talus.

 Le talus était parfois remplacé par un mur de soutènement de 0,50 m. Ce dispositif permettait de gagner de la place. (voir coupe B et cliché B ci-dessous )

Coupe B au niveau du terre-plein délimité par un mur de soutènement [3] d’après F. GoetschyDétails des Fortifications construites de 1870 à 1885 – École d’application de l’Artillerie et du Génie.
Mur de soutènement d'une plateforme de tir
Cliché B – Mur de soutènement d’un terre-plein qui accueillait une plateforme de tir (crête basse -tir intermédiaire sur Vaulx-en-Velin)

Face à la campagne, le terre-plein était bordé par une murette en maçonnerie de 0,95 mètre de hauteur, surmontée d’un revêtement en gabions (paniers d’osier remplis de terre et de gravats) et fascines (fagots de branchages), laissant à découvert le dessus de la murette sur une largeur de 0,40 à 0,50 m. Ce rebord pouvait servir éventuellement de banquette d’infanterie.

Coupe au niveau de la murette bordant l’avant du terre-plein (mur maçonné  et gabions) [4] d’après « la fortification depuis 1870 jusqu’en 1885 » du Capitaine de Génie Hébert

Les traverses-abris

 Chaque  terre-plein et sa plateforme était séparé du terre-plein voisin par une construction placée perpendiculairement à la crête du cavalier d’où le nom de traverse. Ces traverses étaient ici creuses afin de créer un local. 

Maquette du Musée de l'Association du Fort de Bron
Maquette du Musée de l’Association du Fort de Bron – Réalisation E. Rota

A l’abri des coups de l’assaillant, la façade et l’entrée de la traverse-abri bordaient le chemin d’accès. (Cliché ci-dessous: en bordure du terre-plein de communication intérieur du cavalier).

Les murs et la voûte en plein cintre étaient construits en maçonnerie recouverts d’une épaisse couche de terre de 3,50 m au minimum dans tous les sens.

Façade et entrée d'une traverse-abri
Façade et entrée d’une traverse-abri

Le local ainsi protégé des obus constituait un abri pour les servants des pièces d’artillerie et pour les  munitions entreposées d’où le nom de traverse-abri.

L’écartement  de deux traverses consécutives réservait un espace de 6 mètres de large pour la plateforme de tir. Chaque traverse-abri jouait le rôle de pare-éclat pour la plateforme voisine. Ce système empêchait la destruction  avec le même obus de deux plateformes de tir.

Traverses-abris et talus au niveau du Cavalier
Traverses-abris et talus au niveau du Cavalier .
Une allée en terre-plein ou « rue des remparts » longe les traverses-abris, elle permet la manœuvre des attelages transportant les pièces d’artillerie.

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Depuis l’intérieur de l’abri, les soldats accédaient directement aux terre-pleins et aux plateformes de tir par deux passages latéraux en plein cintre de 80 cm de largeur appelés les bras de traverse.

Coupe de 2 traverses-abris séparées par le terre-plein . Coupe de gauche réalisée au niveau d’un bras de traverse – (d’après extrait doc. FdB – © association fort de Bron

Voir également ci-dessus la coupe de 2 traverses-abris , d’après F. Goetschy – Détails des Fortifications construites de 1870 à 1885 – Ecole d’application de l’Artillerie et du Génie [4] . Les deux bras de traverses sont mentionnés sur la coupe de droite- .

Dans le fond de certaines traverses-abris étaient installés des monte-charges. Ils permettaient de monter le matériel et les munitions stockés dans les magasins inférieurs.

Traverse-abri – Au fond le monte charge – les bras de traverse latéraux et le puits de lumière
Poulie du monte-charge dans la traverse-abri

Un puits de lumière surmonté de son lanterneau joue le rôle d’aération et d’éclairage
Un puits de lumière surmonté de son lanterneau joue le rôle d’aération et d’éclairage

Des plantations pour la fortification

La végétation sur les forts de ce type était utilisée pour compléter leur structure défensive et rendre moins visibles les silhouettes des traverses-abris. Le Capitaine de Génie Simoutre, dans son « Cours de Fortification Permanente » [5], nous renseigne sur l’essence des arbres :

« Sur les plongées et au pied des traverses, des arbres d’essence toujours verte […] qu’on recoupera ensuite au niveau de ces dernières pour faire disparaître les échancrures qu’elles produisent à l’emplacement de chaque pièce et qui sont visibles de très loin »

Egalement, le Capitaine de Génie Hébert nous précise cette utilisation dans ses leçons de l’ Ecole d’Application de l’Artillerie et du Génie [6]:

« Ajoutons que les talus et plongées des deux parapets* étaient couverts de plantations ayant pour but, non d’empêcher l’ensemble du fort de se détacher sur le terrain environnant , mais de masquer les points de chute des projectiles et aussi de rendre moins visibles les traverses du cavalier, qui en se profilant sur le ciel, décelaient les emplacements exacts des pièces. A cet effet, on employait des arbres à feuillage persistant. » (*parapet d’artillerie et parapet d’infanterie)

On peut supposer que les mêmes instructions étaient appliquées pour le Fort de Bron. Un rapport spécial écrit par le Colonel Chef du Génie de la Direction de Lyon sur les plantations des ouvrages de la fortification de Lyon daté du 10 août 1876 va dans ce sens :

 » Les nouveaux ouvrages en construction pourront être complantés partie à l’automne 1876, partie en 1877 […].Au moment de la mise en état de défense, les taillis des talus et des plongées seraient soigneusement conservés pour faire disparaître les embrasures et les traverses dont le profil se dessinant d’une manière régulière sur l’horizon indiquent l’emplacement des pièces. » [7]


Sources :

  • [1] Carte d’Etat Major 1866 – cartes anciennes – Géoportail.
  • [2] La fortification depuis 1870 jusqu’en 1885 – p.97 – Capitaine de Génie Hébert -1911- p.67 -Ecole d’Application de l’Artillerie et du Génie.
  • [3] Détails des Fortifications construites de 1870 à 1885 – p.33- F. Goetschy 1894 – Ecole d’application de l’Artillerie et du Génie.
  • [4] La fortification depuis 1870 jusqu’en 1885 – p.98 -Capitaine de Génie Hébert -1911- -Ecole d’Application de l’Artillerie et du Génie.
  • [5] Détails des Fortifications construites de 1870 à 1885 – 2ème partie- p.23 – Capitaine de Génie Simoutre -1889 -Ecole d’application de l’Artillerie et du Génie.
  • [6] La fortification depuis 1870 jusqu’en 1885 – p.67 Capitaine de Génie Hébert -1911- -Ecole d’Application de l’Artillerie et du Génie.
  • [7] Extrait rapport du 10 août 1876 Rapport spécial sur les plantations des ouvrages de la fortification – Colonel Chef du Génie – Direction du Génie – Place de lyon – Archiv. FdB.